Plateau photogrammétrique.


Un parcours au Labo…

Mon métier : Je suis archéologue à l’INRAP, Institut National de Recherches Archéologiques Préventives. Je suis aussi photographe et infographe. Ma pratique va de la photographie de terrains, pour situer les objets dans leur contexte de découverte, à la photographie des artefacts pour les rapports de fouilles, J’utilise des drones pour les vues de situation et de contexte servant à la réalisation d’orthophoto et de la numérisation 3D des chantiers de fouille. Dans mes différentes interventions j’utilise des procédés de photogrammétrie : c’est un ensemble de techniques de mesures qui consiste à déterminer la forme, les dimensions et la situation d’un objet ou d’un espace à partir de plusieurs prises de vues photographiques de cet objet ou du terrain.

A l’occasion d’une commande d’une série de photographies à réaliser sur quatre statuettes découvertes successivement lors de la fouille par l’équipe de l’Inrap sur le chantier de Tremuson, la Morandais (Côtes-d’Armor) en 2019. Une expertise de leur état de conservation, a mis en évidence leur fragilité. Aussi, la décision de numériser ces dernières s’est imposée afin de permettre aux différents chercheurs de travailler sur les statues. Les statues devaient être numérisées à l’aide de la photogrammétrie, technique d’acquisition par corrélation dense. Ceci nécessite de multiples prises de vues, faisant se succéder l’objet sous différents angles, donc, beaucoup de manipulation, méticuleuses, d’objets lourds et fragiles.Dans un souci de manipuler le moins possible ces statues, un plateau rotatif automatisé a été conçu pour leur numérisation.

J’ai pris contact avec le Labo-Cesson, pour développer cet outil, avec l’aide des membres du Fablab de Cesson-Sévigné.

  • Les contraintes évoquées lors de la conception du plateau rotatif étaient :
    • – d’obtenir un plateau capable de porter des charges de plusieurs dizaines de kilogrammes.
      • Cette contrainte avait été évoquée après la numérisation du lapidaire des jardins de la cathédrale du Mans. Plusieurs dizaines de blocs de pierres ornés avaient été découverts et numérisés par photogrammétrie. Lors de ce processus, la lenteur et l’aspect répétitif du procédé avaient amené à réfléchir à la conception d’un système automatisé suffisamment résistant au poids des objets ;
    • – d’avoir un plateau qui arrête sa rotation tous les 15 degrés.
      • Cet angle permet un chevauchement suffisant entre les clichés pour l’acquisition photogrammétrique d’un objet en ronde-bosse (les statues du site, ainsi que le seau en l’occurrence) ;
    • – d’avoir un dispositif qui commande la mise au point et le déclenchement d’un cliché à l’appareil photographique.
      • En l’occurrence la conception du plateau rotatif a été pensée pour le déclenchement de 3 ou 4 appareils photographiques simultanément afin d’opérer une couverture globale du volume en une ou deux révolutions (la forme principale du sujet et la base cachée de l’objet reposant dessus) ;
    • – que le plateau rotatif reprenne sa rotation après une latence de quelques secondes afin de stabiliser la prise de vue.
      • Cette dernière soumise à une contrainte de profondeur de champs suffisante (entre F/8 et F/11). Le but affiché étant de stabiliser le plus possible l’appareil avec une sensibilité Iso très basse et une réduction maximale du «flou de bouger»;
    • – et enfin que le plateau arrête sa rotation automatiquement après une révolution (360°).

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La conception a nécessité plusieurs mois et de nombreux tests. Dont l’évaluation de sa force motrice sur des charges allant jusqu’à 70 kilogrammes.

Le premier prototype répond parfaitement au cahier des charges de pièces lourdes, mais son poids est conséquent, et son déplacement peu aisé.

Quatre ensembles de clichés ont été réalisés, pour les 4 statues, avec un prototype de plateau rotatif, un trépied et un appareil photo hybride. Chaque statuette a été stabilisée sur son support et numérisée en 2 ou 3 sessions afin d’obtenir les parties portantes (changement de position de l’artefact pour obtenir d’autres recouvrements lors de l’acquisition).

Chaque cliché a été détouré à l’aide d’un masque alpha sous Photoshop afin d’accélérer l’alignement dans le logiciel photogrammétrique Metashape et de ne fournir aucune information parasite. Ce type de masque a été préféré pour l’exercice en raison de la précision des outils de sélection et de détourage, comparé à ce que propose Adobe. Il existe également une méthode d’isolation par masque du sujet sous Metashape mais elle peut parfois présenter des limites dans sa précision et facilité d’usage.Le modèle a été calculé en qualité haute pour le nuage épars, le nuage dense, et en qualité moyenne pour le maillage, inférieur à 500 000 faces.

En retour d’expérience, d’autres clauses ont été ajoutées au cahier des charges :

  • que ce matériel soit robuste, mais suffisamment léger.
    • Soit répondre à une obligation de mobilité afin de l’emmener dans différentes bases archéologiques et de permettre l’acquisition digitale de pièces plus légères.
  • que ce matériel soit fiable, facile à réparer et capable d’évolutions.
    • Ceci nécessite l’acquisition par l’utilisateur photographe de compétences techniques de construction.

Pour ce second prototype, l’automatisme à été réalisé par un microcontrôleur programmable Arduino, choisi pour son faible coût de développement, la disponibilité de nombreuses références et la possibilité d’apprentissage à partir de connaissances techniques de base. La programmation Arduino offrira plus de souplesse quand à la temporisation des prises de vue et notamment lorsque la numérisation devra être réalisée sur des objets sombres ou présentant des reflets (article à venir sur la numérisation des bracelets de Prat, colloque de Bordeaux octobre 2022).

Emmanuelle Collado